L'art est fait d'oppression, de tragédie, criblées discontinûment par l'irruption d'une joie qui inonde son site, puis repart. Eloge d'une soupçonnée (1988)

L'acte est vierge, même répété.
Feuillets d'Hypnos (1946)
René Char (Dans l'atelier du poète Quarto Gallimard 2008)


Cette inscription de gravures affiche ma volonté d'écrire, de créer. Elle concentre à la fois, des interrogations, des rencontres, une mise en pratique de techniques.

Ma démarche s'est construite sur un questionnement à propos des taches utilisées lors de tests d'orientation ou de sélection. J'ai le souvenir, qu'adolescent, j'ai du passer, pour mon orientation professionnelle, des tests déterminants. Plus tard, en tant que chercheur, j'ai abordé l'histoire et analysé le contenu, de « boîtes à outils » utilisées par les les laboratoires ou des organismes de conseil lorsqu'ils mettaient en place des procédures de sélection et de recrutement de personnels. Dans ces batteries de tests il y avait pour certaines, préconisation et recours aux « taches ». Les protocoles d'usages étaient précis. Aujourd'hui, la démarche a son logiciel.

Mais les taches c'est aussi l’apanage des enfants, ils s'en amusent. Les créateurs, tels Léonard de Vinci, ou Victor Hugo y ont été sensibles. La tache appartient à l'écriture, à l'humain. C'est en quelque sorte cette raison qui m'a incité à suivre, depuis quelques années, cette piste. Et ce au moment où j'apprenais la gravure.

La gravure participe au domaine de l'écriture, elle en est même le vecteur. J'ai tenté de mettre en scène des lignes, des traits, des aplats, des couleurs. A partir de ces symétries, il y a intégration de signes et de signifiants. Le hasard de la constitution de la tache et son report concoure à l'imaginaire et nécessite un savoir faire.

La pratique de la gravure est pour moi une jolie rencontre. Pour tirer et reproduire il faut agir sur des surfaces de cuivre, de carton, de zinc. C'est un processus étendu à maîtriser, il suppose un long apprentissage. La dimension temporelle rend modeste mais en même temps déclenche la passion. Comme tout domaine, il est indispensable d'être à l'aise avec les outils : burins, pointes sèches, grattoirs et autres brunissoirs. Il est tout aussi indispensable de connaître avec le côté parfois aléatoire les processus liés à l'usage de l'acide pour mordre le métal, tout comme les différents vernis qui permettent d'occulter des zones.

Technique dite d'impression en creux, la gravure s'effectue par passage sous presse. L'encrage, l'essuyage, le papier et son humidité sont autant de paramètres dont il faut tenir compte. Ils s'enchaînent , s'ajoutent et doivent concourir à la qualité finale de l'estampe. L'épreuve sortie de la presse, résume les différents traitements.

Ces gravures exposées appartiennent à mon envie de dire, d'écrire, elles me relient à une dimension humaine. Ces différents passages éphémères sont autant de gestes posés à votre regard, à vos émotions, votre imaginaire. Il vous reste à regarder ces gravures. C'est le risque que je prends.

Yves Bucas-Français

Mars 2015

Je souhaite rendre hommage et ma reconnaissance à Mireille Baltar pour la transmission de ce continent particulier qu'est la gravure.